L’accident

Fin d’après-midi. Nous roulons vers l’une des collines de Gaoua pour apprécier le panorama sur le pays Lobi. Nous doublons un groupe de piétons et de marchands ambulants stationnés devant un comptoir empiétant sur la route, quand nous voyons arriver en zigzaguant à vive allure une moto, qui termine sa course en percutant le Land Cruiser à l’avant droit.

Le bruit du choc.

Nous sortons hagards de la voiture.

Les deux passagers de la moto sont à terre. Un attroupement commence à se former autour des deux hommes.

Le conducteur au visage juvénile se relève immédiatement. Le passager reste au sol. Ses jambes sont blessées. Plusieurs personnes tentent d’appeler les secours et la police, qui mettra plus d’une heure à arriver. Les secours ne viendront jamais et le blessé sera emmené à l’hôpital de Gaoua sur la remorque d’un tricycle. Nous avançons l’argent pour les soins.

La circulation est bloquée. Les gens contournent le véhicule et la moto sans protester. Un 4×4 conduit par une femme blanche klaxonne violemment sans chercher à comprendre ni à porter secours.

Nous sommes choqués et interdits. Noreen parvient à joindre Pierrealy et il faut reconnaître que c’est elle qui prend les choses en main. Les réactions des gens sont calmes et mesurées, attentifs au blessé. Ceux qui ont vu la scène expliquent aux autres les circonstances de l’accident, et que nous n’avons pas foncé par négligence sur le motard avec notre grosse voiture. A aucun moment nous ne nous sommes sentis menacés. Plutôt impuissants. Ce n’est pas pour rien que Burkina Faso signifie « pays des hommes intègres« .

Le guide qui nous accompagne depuis notre arrivée à Gaoua reste avec nous et s’avère plus utile que pendant les visites de ces deux derniers jours, gérant l’envoi du blessé à l’hôpital et l’interface avec la police. Une fois le constat de l’accident effectué par deux officiers, nous les suivons au poste pour obtenir un récépissé de dépôt des papiers de la voiture. Nous avons rendez-vous le lendemain à 9 heures pour une confrontation avec le conducteur et le propriétaire de la moto.

accident sur la route, Burkina Faso
Taxi-brousse la Tempête, sur la route, Burkina Faso

Enfin, nous pouvons nous rendre à l’hôpital et prendre des nouvelles du blessé. Le soir est tombé. La nuit est noire et nous n’avons plus qu’un phare pour éviter les piétons, les motos et les trous, et nous redoublons de prudence.

L’hôpital ressemble davantage à un dispensaire sommaire. Les blessés sont nombreux dans des salles étroites. Plusieurs baraquements sont éparpillés et reliés par des allées ouvertes, et les patients qui n’ont pas de chambre attendent à l’extérieur. Des familles campent pour la nuit au milieu de l’hôpital. Nous croisons une vieille femme à l’air perdu, déambulant avec sa perfusion.

Au bout d’un couloir ouvert, nous parvenons dans une chambre où un homme est étendu sur un matelas à même le sol. Un enfant avec une intraveineuse gémit. Là, le passager blessé est allongé sur une civière, les traits crispés. Nous cherchons le médecin plusieurs minutes. Une femme nous apprend que le blessé a reçu une injection anti-douleur mais n’a pas encore effectué de radio.

L’homme est un paysan. Nous espérons que sa jambe n’est pas cassée. Les Burkinabé cultivent leur terre en famille de façon manuelle. Cet accident pourrait avoir des répercussions désastreuses sur cet homme et sa famille. Il passera la nuit à l’hôpital et nous devrons patienter jusqu’au lendemain pour en savoir plus sur son état de santé.

Nous rentrons à l’hôtel et dormons mal.

Le lendemain, nous sommes de retour au poste de police pour la confrontation. Nous apprenons que le blessé va mieux et que sa jambe n’est pas cassée. Les circonstances de l’accident sont reconstituées sur un tableau noir. L’officier établit que les torts sont partagés et procède à un rappel du code de la route et de la sécurité routière. Le propriétaire de la moto explique sa situation difficile et demande à ne pas payer la contravention. Après quelques discussions, nous en sommes tous exemptés.

Rassurés, nous reprenons la route pour Bobo Dioulasso. Le malaise causé par l’accident persiste. Noreen et Pierrealy mettront plusieurs mois pour faire réparer leur voiture. Guillaume était au volant. Je me sens doublement coupable. La jambe du passager n’est pas cassée mais combien de temps lui faudra-t-il pour récupérer ? Y aura-t-il des conséquences sur son travail ? Je sais que de notre côté, nous allons reprendre progressivement le cours de nos vies, mais en sera-t-il de même pour le passager blessé et le très jeune conducteur ? Ces questions me hantent.

Le non respect et la connaissance insuffisante du code de la route, le mauvais état des véhicules et la signalisation routière défaillante ont engendré 57 000 accidents au Burkina Faso, entre 2014 et 2016. ♦

circulation au Burkina Faso
Un homme accroché à l'arrière d'un taxi-brousse très chargé, sur la route, Burkina Faso
Vieille voiture surchargée et homme sur le toit, sur la route, Burkina Faso

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