Assis sur les banquettes du S-Bahn, nous observons le paysage urbain qui défile derrière la fenêtre. La ville se densifie lentement, les immeubles prennent de la hauteur. Nous attaquons Berlin par son flan Est, une fin d’après-midi du mois de mars.
C’est notre seconde visite dans la capitale allemande. Pas de programme, pas de liste des «10 choses à voir absolument».
Nous voulons profiter de Berlin pour ce qu’elle a de meilleur à offrir, alterner les incontournables et les imprévus, les découvertes liées aux rencontres du hasard. Nous nous laissons guider par nos amis berlinois dans le quartier de Friedrichshain, entre les friches industrielles reconverties en marché aux puces et galerie d’art à ciel ouvert, et les biergarten.
Nous arpentons aussi bien les larges avenues héritées de l’ère soviétique que les rues modestes bordées d’immeubles colorés de Prenzlauer Berg, certains recouverts de graffitis ou de fresques. A chaque angle fleurit un café accueillant. A l’intérieur, une ambiance agréable et décontractée, à l’image de la ville. Berlin oscille entre grande métropole dynamique et cité familiale. C’est une ville où il fait bon vivre, flâner, se cultiver, s’amuser.
Au sud-est du centre touristique, nous découvrons le Treptower Park qui cache en son sein le Mémorial soviétique. Celui-ci se dresse au-dessus des tombes de 5000 soldats soviétiques morts pendant la conquête de Berlin, au cours de la Seconde Guerre Mondiale. 16 sarcophages ornés de bas-reliefs représentent les batailles de l’Armée Rouge et les sacrifices du peuple soviétique.
En ce début de printemps, le mémorial baigne dans une lumière crépusculaire qui le rend à la fois austère et dramatique, monumental et bouleversant. Une sensation de vide m’enveloppe, amplifiée par les grandes perspectives et les longues lignes droites.
Au bord de la Spree, nous accompagnons nos bières allemandes de currywurst, de käsespätzle et d’eisbein – respectivement : saucisse nappée d’une sauce curry et ketchup, pâtes au fromage, jarret de porc mariné. Contempler l’eau qui coule, être dehors pour manger malgré le froid mordant, s’autoriser une apfelstrudel – douceur sucrée aux pommes et à la cannelle – sont autant de bonheurs qui comblent nos journées.
La nuit tombe alors que nous gagnons le quartier de Mitte, le centre-ville berlinois. Dans la demi-pénombre, nous nous faufilons entre les stèles grises du Mémorial de l’Holocauste. Certaines atteignent 4,70m de haut et nous perdons vite nos repères dans ce labyrinthe angoissant. 2 711 cubes de béton pour évoquer l’horreur d’un des plus grand crime contre l’humanité.
A Berlin, nous nous confrontons au passé à chaque coin de rue. C’est une ville qui a connu en un siècle plus de transformations et de traumatismes qu’une autre : bombardée, scindée en deux puis finalement réunifiée. Berlin ne cherche pas à effacer les traces de son passé ; elles font parties de son histoire. Elle les conserve et les transforme en lieux de mémoire ou en oeuvres d’art.
Ainsi des vestiges de l’ancien mur de Berlin sont devenus le support de fresques peintes par des artistes des quatre coins du monde et forment l’East Side Gallery, une galerie d’art en plein air qui serpente dans le centre de Berlin sur 1,3 km.
Au pied du mur, on se dit qu’il n’est pas si haut que ça, ce fameux mur. C’est sans compter les gardes, les miradors, le no man’s land et les barbelés acérés, dont les traces ont disparu aujourd’hui. Un rideau de fer infranchissable qui a conditionné la vie des Berlinois pendant 28 ans.
Les œuvres qui recouvrent aujourd’hui le béton gris le rendent beau, paradoxe ultime pour cette construction symbole d’oppression, qui a divisé non seulement l’Allemagne mais aussi le monde.
Devant le mur, les visiteurs se pressent pour avoir leur photo devant la plus célèbre des fresques : « Le Baiser de l’amitié », moment historique où le Président de l’Allemagne de l’Est Erich Honecker et le dirigeant soviétique Leonind Brejnev, ont échangé un baiser à l’occasion du 30e anniversaire de l’ex-RDA. On se prend donc en photo devant une fresque qui reproduit elle-même la célèbre image du photographe Régis Bossu…
Un bretzel plus tard, nous voici à l’assaut de la coupole du Reichstag. Une rampe serpente en une longue spirale le long des parois de verre. Le spectacle vaut les frissons de vertige ressentis dès que l’on se penche vers le bas pour observer l’assemblée parlementaire qui siège aujourd’hui au cœur du palais. Car en haut c’est toute la ville et ses lumière qui s’étendent sous nos yeux.
Redescendus sur terre, nous traversons la Pariser Platz dominée par la porte de Brandebourg. Autre emblème, autre paradoxe. Bâtie à la fin du XVIIIe siècle sur le modèle de l’Acropole d’Athène, elle fut le symbole de la division des deux Allemagne, faisant partie intégrante du mur, puis de la réunification.
Une voiture se gare au pied de la porte et une mariée en sort, suivie du marié et de leurs invitées. Une séance photo sur fond de monument historique s’improvise, au son de youyous et de R&B. Tous commencent à danser, d’abord timides puis plus francs.
La scène qui se déroule naturellement, me touche. Elle devient pour moi un nouveau symbole de Berlin, grande métropole multiculturelle qui conjugue les opposés. A la fois ordonnée et expérimentale, ancienne et moderne avec une pointe d’inachevé, comme si elle était toujours prête à se réinventer.
Ce qui fait d’elle une des meilleures villes où marcher, explorer, se poser, manger et recommencer.♦
merci pour ce magnifique voyage au coeur de la capitale Allemande.
Merci beaucoup ! Berlin est vraiment une ville fantastique, pleine d’énergie et de décontraction. C’est très agréable et dépaysant à la fois 🙂
Magnifique ! Les photos sont superbes ! Et la lecture passionnante ! Bravo ! Francine et Guy
Merci pour ces mots gentils. J’espère vous avoir donné envie de découvrir la ville 🙂
Certainement. La description que tu en fais nous a plongé dans son histoire et donné l’envie de la découvrir alors que nous n’y aurions pas forcément pensé dans nos projets. Mais c’est à faire effectivement