Hell-Bourg. De la couleur et du mystère.
Douceur, chaleur, torpeur. A 2 km à vol d’oiseau mais à 2 heures en voiture de la forêt de Bélouve, Hell-Bourg émerge du cœur de Salazie. Comme un amphithéâtre mi-minéral mi-végétal, les hauts remparts du cirque ceinturent le village. Des tâches de rouge, de jaune et de bleu apparaissent parmi le vert luxuriant de la végétation. Les rues du centre sont bordées de vieilles maisons coloniales peintes de couleurs audacieuses. Partout les montagnes pleurent des cascades. Voile de la Mariée, Cascade Blanche, parmi les plus impressionnantes.
Ancienne station thermale, Hell-Bourg a accueilli les familles les plus riches de l’île fuyant la canicule de l’été pour profiter de la fraîcheur des Hauts. Jusqu’à ce qu’un cyclone provoque un éboulement des thermes et bouche la source en 1948.
Doucement, nous flânons dans les rues pentues, enveloppé·e·s par les parfums des fleurs qui s’échappent des jardins. Sans plus me soucier du temps qui passe, je me perds dans la contemplation des cases et des plantes exubérantes.
A demi-cachée par un écran de palmiers et de bougainvilliers fanés, une maison aux murs pêche attise ma curiosité. J’aimerais franchir les quelques marches qui me séparent de l’entrée et découvrir l’histoire cachée derrière ces murs.
Voyage dans le temps à la Maison Folio
Au milieu de la rue de l’Amiral Lacaze, je pousse un portillon en fer forgé accroché à la végétation et pénètre timidement dans le jardin de la Villa Folio. Au bout d’une allée en pierres rouge, la maison blanche aux volets verts apparait parmi les palmiers et les anthuriums géants. Bâtie au XIXe siècle, elle est le dernier témoin de l’histoire thermale d’Hell-Bourg et de la vie que les familles bourgeoises y menait. Je passe d’une pièce à l’autre et plonge dans le passé.
J’imagine la maison à sa grande époque. Pleine de vie et de réceptions entre voisins. Le frôlement des étoffes des longues robes claires sur le parquet. Les courants d’air frais dans les pièces aux meubles en bois sombre. Les lectures et conversations dans les endroits secrets du jardin, où voir sans être vu. Le bruit apaisant de la fontaine. Les feuilles des fougères bruissant dans la légère brise qui caresse en ce moment même mes joues.
Des fleurs intenses s’étalent tout autour de la maison. Je sillonne les allées et sans m’en rendre compte, je me retrouve dans la toile d’un tableau impressionniste. Parmi le camaïeu vert des feuilles aux formes éclectiques éclatent par touches le violet délavé des hortensias, le rouge vif des massifs de sauge, les mille et une nuances de rose des orchidées, l’orange pâle des trompettes des anges. Toute la palette de couleurs de la nature réunie en un seul lieu.
Mon œil est attiré par chaque détail. Des orchidées aux pétales délicats comme de la dentelle. Le parfum mêlé des plantes aromatiques et médicinales : curcuma, géranium, citronnelle, safran, poivre. La courbe ouvragée d’une chaise en fer. Une araignée qui tisse sa toile.
Aspirée par ce lieu, j’ai photographié chaque centimètre carré de la Maison Folio et de son jardin. Je me suis promenée longuement aux côtés de Guillaume, en nous inventant une vie à l’ombre des fougères arborescentes.♦︎