La route s’élance toute droite entre Diébougou et Gaoua. Entre la brousse et les champs de coton hérissés de tiges noires, derniers vestiges en cette saison, quelques rares étendues d’eau scintillent. En leur milieu, des arbres morts ; sur leurs berges des troupeaux de bétail. Des enfants jouent à se jeter dans l’eau depuis les branches rabougries, des femmes lavent le linge, des hommes font leur toilette. La terre est brûlée par les paysans et le soleil. La lumière est crue, les couleurs délavées. Sur une carrière de pierre, des hommes ont éventré la terre et façonné la roche en paysage lunaire. Ils s’activent pareils à des fourmis.
Nous atteignons Gaoua à l’heure du déjeuner. La ville de 30 000 habitants est bâtie sur plusieurs collines. Un marché couvert endormi, constitué d’un dédale obscur d’étals et d’échoppes, se situe au carrefour des deux nationales qui traversent la ville. Notre guide ne recense que trois hôtels. Nous choisissons celui dont la position centrale nous paraît être un atout et descendons à l’hôtel Hala.
Nous traversons le bar dans la pénombre, orné d’un imposant comptoir de bois sombre qui le fait ressembler à un pub anglais, puis une vaste salle de restaurant dont les quelques tables paraissent perdues. Comme souvent au Burkina Faso, les espaces intérieurs sont immenses mais disposent de peu d’équipement et de mobilier pour en profiter, et laissent plutôt une impression de vide que de grandeur.
Les chambres sont disposées autour d’un patio usé à la végétation desséchée. Nous sommes les seuls touristes. La clientèle est constituée d’hommes d’affaire que nous croisons brièvement le soir et le matin. Nous déjeunons à l’ombre d’un manguier de frites d’igname, d’aubergines à la viande, d’omelette et d’une grande Brakina, puis appelons des agences locales pour trouver un guide et organiser notre séjour en pays Lobi.
Nous gagnons les ruines de Loropéni après 40 kilomètres d’une piste défoncée. Une belle forêt ceint les ruines d’un écrin enchanteur.
De cette forteresse dont les plus anciennes parties datent du XIe siècle, il ne reste aujourd’hui que les murs d’enceinte. Muet, le site demeure rétif à toute reconstitution de l’esprit et son histoire impénétrable.
La ville connut plusieurs occupations, extensions et abandons au fil des siècles. Elle atteignit son apogée entre le XIVe et le XVIIe siècle. On pratiquait alors le commerce de l’or, son extraction comme sa transformation. Un haut mur allant jusqu’à 6 mètres et long d’une centaine de mètres, témoigne de sa splendeur passée.
Les ruines de Loropéni font partie d’un ensemble comptant une centaine d’enceintes. Il existe dans la région du Poni 10 forteresses semblables mais les vestiges de Loropéni constituent le plus grand site avec ses 11000 m² de sol autrefois entièrement pavé. Tous les murs restants sont constitués de latérite, une pierre brune rêche au toucher.
Un mystère entoure ces ruines au sujet du fondateur de cette cité aurifère. Tombée dans l’oubli, elle fut exhumée en 1902 et s’inscrit dans un cycle de grandes découvertes archéologiques. En 1900, on découvrait le palais de Cnossos en Egypte, en 1908 la controversée ville de Z en Amazonie, en 1911 les ruines incas du Machu Picchu et en 1922 le tombeau de Toutankamon.
A Loropéni, les ruines, perdant progressivement la guerre contre la nature et le temps, se dressent tranquillement ici et là, derniers témoins d’une civilisation aujourd’hui disparue. ♦