La marquise laisse tomber son masque et le personnage tout en plumes qu’elle porte sur son dos. Elle sourit, les traits fatigués. Le Carnaval de Malte bat son plein depuis 3 jours.
La rue s’est transformée en scène de théâtre. Les plumes, les paillettes, les rubans, les étoffes et les couleurs explosent au milieu des immeubles de calcaire ocre. Dans le public, les enfants déguisés en Spiderman, Aladin, Arlequin, prince et princesse, tiennent la main de leurs parents. Un peu en retrait, ils sont à la fois intimidés par la foule baroque et ne savent pas où poser les yeux.
Les danseurs déguisés ne refusent jamais une photo. Cinq soirs de suite, ils enfilent leur costume bouffant, effacent leur visage sous le maquillage, se grandissent avec une perruque ou un chapeau bravant la gravité, pour défiler toute la nuit dans les rues de La Valette. Sourires, danses et exubérance. La concurrence est rude pour gagner le bal du Carnaval.
Less is more n’est pas ce que les troupes ont en tête lorsqu’elles confectionnent leurs costumes. Surenchère d’ornements, de dorures et de strass. La seule limite est de pouvoir réaliser les chorégraphies qu’elles peaufinent toute l’année.
La procession se déverse comme un fleuve chamarré dans la rue Triq Ir-Repubblika, recouvrant tout sur son passage. Les fanfares claironnent et la foule danse.
Une gigantesque parade fluo illumine d’un seul coup les petites rues de la capitale qui dormaient dans la nuit sombre. Les chars énormes emplissent tout le cadre. Ils prennent possession de la nuit et s’emparent des oreilles en faisant jaillir la musique de leurs enceintes. A leur pied, la foule costumée s’agite en rythme.
Au cœur de ces jours et de ces nuits de fête, les Maltais saisissent l’occasion pour faire de leur char un moyen d’expression où ils tournent en dérision la politique, l’actualité et la société. Tous les moyens sont bons pour attirer l’attention et gagner le prix décerné au plus beau char.
La fête se propage par capillarité dans la péninsule. Quelques danseurs s’échappent pour se reposer dans l’ombre d’une arcade, pendant que d’autres réajustent leur costume ou leur maquillage. Va-et-vient des spectateurs et des troupes. Et toujours la musique et la danse.
C’est par hasard que nous sommes tombés sur le Carnaval de Malte, en rentrant d’une journée passée à explorer les falaises de Dingli. Spectacle inattendu et fou. Nous étions venus pour le soleil et c’est la nuit qui nous a montré que l’île avait bien plus à offrir.♦︎