La route serpente entre les champs de canne à sucre. J’ai les yeux rivés sur la carte. Au détour d’un virage, apparaît une file anormalement longue de voitures garées sur le bas côté. Sur fond de palmiers le snack des Cormorans pointe le bout de son enseigne. Tous les indices concordent : nous avons trouvé le départ du sentier pour les trois bassins de la ravine Saint-Gilles.
Prenant leurs sources dans les montagnes, les ravines sont des rivières qui ont creusé des lits profonds dans le paysage, aidées par les pluies torrentielles des cyclones. Celle de Saint-Gilles, nous la verrons peu voire pas du tout. Bien cachée dans la végétation, elle ne dévoile qu’avec parcimonie ses trois piscines naturelles, avant que l’on perde à nouveau sa trace.
Le premier des trois bassins est facile à trouver. Il suffit de suivre la foule… Nous ne sommes pas les seuls à être au courant.
Nous marchons dans la nature, suivant un petit canal. Sur le bord du chemin, cachée dans la végétation, une chapelle miniature dédiée à Saint Expédit est reconnaissable à sa couleur rouge sang. A l’image de la population métissée de l’île, le culte de Saint Expédit à la Réunion repose sur un mélange de croyances hindouistes et catholiques. On le prie pour toutes les causes désespérées.
La forêt devient dense et nous nous demandons pendant longtemps s’il y a quelque chose à voir au bout du chemin, quand d’un seul coup l’horizon s’ouvre. La cascade des Aigrettes apparaît, superbe et bondissante, parmi les bambous et les papyrus.
Les deux autres bassins sont moins spectaculaires et moins accessibles, donc peu fréquentés. Ils se méritent. Pour arriver au bassin des Cormorans, il faut s’enfoncer dans la végétation, s’égarer, revenir sur ses pas, descendre une pente abrupte puis le lit d’un ruisseau, éviter les pierres glissantes et patauger dans la boue. A l’arrivée, c’est un havre de fraîcheur dans la chaleur de la côte ouest. Un petit bout de la Réunion à nous tous seuls… au moins quelques instants.
Trois tunnels et un peu d’escalade plus tard et nous voici au bord du bassin Malheur. Pourquoi ce nom de mauvais augure ? Quel drame s’est joué sous ces eaux paisibles ? Pas de cascade ici mais de minces filets s’écoulant le long de la paroi rocheuse fermant à demi le bassin. Niché dans son écrin de verdure, le bassin Malheur invite irrésistiblement à la baignade. Pourtant, nous nous retenons d’enlever nos vêtements humides et de fendre cette surface lisse aux sept nuances de bleu. Cette eau limpide alimente en eau potable la ville de Saint Gilles.
La Réunion regorge de bassins et de cascades aux noms évocateurs : bassin la Paix, bassin Bleu, bassin des Hirondelles, cascade Niagara, Voile de la Mariée… qui sont l’occasion d’une belle balade et d’un pique-nique. Les Réunionnais ne s’y trompent pas et en font leurs excursions privilégiées de fin de semaine.
18h. Le soleil termine sa course sur l’horizon parfaitement plat de l’Océan Indien. Nous l’observons les pieds dans le sable de la plage de Boucan-Canot. L’air est doux, le bruit des vagues apaisant. Je voudrais retenir cette journée le plus longtemps possible. Alors nous restons jusqu’à ce que tout soit noir et que les dernières lueurs de rose aient quitté les falaises de Boucan-Canot.♦︎
Tout est superbe ! Quels paysages ! En tendant l’oreille on peut presque entendre le bruit des cascades ! On te suit avec un grand bonheur. On est immergé dans ce décor somptueux, teletransportes de notre Thiérache l’espace de ton récit oubliant la grisaille et le froid. Merci pour ce rêve éveillé. Tu es une vraie conteuse. Francine et Guy